Jean Marie Gustave Le Clezio
L'extase matérielle,
Idées / Gallimard n'239, 1967.
Essai discurcif, à l'opposé
de tout système, composé de méditations écrites
en toute tranquilité, destinées à remuer plutot qu'à
rassurer, oui, à faire bouger les idées recues, les choses acquises
ou apprises. C'est un traité des émotions appliquées.
"Les principes, les systèmes sont des armes pour lutter contre la vie."
"La beauté de la vie, l'énergie
de la vie ne sont pas de l'esprit, mais de la matière. Douloureusement,
cliniquement, l'auteur parle de lui pour lui : de sa chambre, de la femme,
du corps de la femme, de l'amour, d'une mouche, d'une araignée, de
l'écriture, de la mort, de son idée de l'absolu.
"Il y a un indicible bonheur à savoir
tout ce qui en l'homme est exact."
Le Clézio nous livre frénétiquement
le secret d'une découverte mais, bien entendu, le secret demeure entier.
Quelques phrases limpides au fil des pages...
L'infiniment moyen Rien d'autre, rien d'autre
pour moi que le langage. C'est le seul problème, ou plutôt, la
seule réalité. Tout s'y retrouve, tout y est accordé.
Je vis dans ma langue, c'est elle qui me construit. Les mots sont des accomplissements,
non pas des instruments. Au fond, il n'existe pas pour moi vraiment de souci
de communiquer. Je ne veux pas me servir de débris étrangers,
à moi donnés, pour échanger avec les autres. Cette communication
est une fausse mesure ; à la fois illusoire et enfoncée dans
ma vie. Que puis-je dire aux autres ? Qu'ai-je à leur dire ? Pourquoi
leur dirais-je quelque chose ? Tout cela n'est que duperie. Et pourtant,
c'est vrai, j'utilise. Je me sers. Je puise dans un domaine éparpillé,
multiforme, mécanique. Je vis la cause de la société.
Je possède la parole. Mais dès l'instant oú le mot
est devenu ma propriété, annexé, objet de doute, de
discorde, relation du dictionnaire, me voici enfoncé dans mon corps
réel. Comme toutes les illusions, celle entretenue par le langage
se dépasse elle même ; elle devient nature de ma fuite, force
de mon ascension, peut-être même ascèse.
à suivre...